BULLETIN MRAP - Avril 1985
EDITION SPECIALE CONSACREE AUX PROCES EN JUSTICE INTENTES PAR LE MRAP EN VERTU DE LA LOI
CONTRE LE RACISME.
LE PROCES CONTRE JEAN ROUSSEL
Préparant sa candidature aux élections cantonales dans la 2ème circonscription de Marseille, où il a été élu avec le soutien du Front national, Jean
ROUSSEL diffusait un tract intitulé Empêchons l'installation massive d'immigrés dans le quartier du boulevard Notre-Dame". Le contenu de ce tract était
passible de la Loi contre le racisme du 1er Juillet 1972. Pour la première fois les poursuites ont été engagées non plus seulement à l'initiative des parties
civiles du MRAP et de la LICRA, mais à celle du procureur de la République de Marseille.
ROUSSEL et son association de défense du centre ville écrivaient en effet : "Marseille ne peut plus supporter le trop grand nombre de
Nord-Africains, qui a déjà causé un déséquilibre social (...),le seuil de tolérance étant très largement dépassé". "De grâce évitons que de
nouvelles zones soient à nouveau touchées. La sécurité n'est pas le point fort de ce si beau quartier, mais on peut encore v vivre en paix" (
...) "L'Association de Défense du centre ville s'opposera de toutes ses forces à l'installation massive de Maghrébins au pied de la Vierge
de la Garde".
A l'audience on a pu entendre le journaliste du Méridional, DOMENECH, déjà condamné par ailleurs pour racisme, déclarer que la Loi
de 1972 est une mauvaise Loi "parce que votée à l'unanimité du Parlement", ce qui justifia une intervention très ferme du représentant du
Parquet.
Malgré les dépositions d'un grand nombre de témoins cités par ROUSSEL à sa décharge, le Tribunal correctionnel de Marseille a rendu
une décision conforme à l'esprit et au texte de la Loi de 1972. Extrait du jugement : "... Son intention exprimée en des termes dénués
d'équivoque était donc d'éviter que certaines personnes puissent bénéficier de la construction de logements sociaux dans un secteur
géographique privilégié de la Ville de Marseille, en raison de leur appartenance à une ethnie déterminée... Le document imprimé et
distribué par M. Jean ROUSSEL comporte donc une provocation à la discrimination raciale d'autant plus que certaines de ses phrases
sont de nature à susciter de la part de ses lecteurs les moins avertis des réactions hostiles envers cette population
Le Tribunal a déclaré "Jean ROUSSEL coupable du délit reproché" et l'a condamné ".. en répression à une amende de 5000 francs, dont
4000 francs avec sursis,... en outre, aux dépens liquidés à a somme de 593,26 francs (action publique)... et sur l'action civile,...à payer:
- à la LICRA, la somme de 2001 francs,
- au MRAP, la somme de 1001 francs.
Autorise et ordonne en tant que de besoin la publication du jugement ou d'extraits du jugement:
- à la requête de la LICRA et aux frais de Jean ROUSSEL dans les quotidiens "Le Figaro", "l'Humanité" et "Le Monde ", sans que le coût
de chaque insertion puisse dépasser la somme de 3000 francs,
- à la requête du MRAP et aux frais de Jean ROUSSEL, dans les quotidiens "La Marseillaise", "Le Méridional" et "Le Provençal", sans
que le coût de chaque insertion puisse dépasser la somme de 3000 francs;
Condamne Jean ROUSSEL aux dépens de l'action civile.
Fait et prononcé au Palais de Justice de Marseille le 21 Mars 1985"
L'élu, comme conseiller général, soutenu par Le Pen et le Front national, Jean ROUSSEL n'a évidemment pas apprécié ce jugement et il a
interjeté appel. L'affaire reste donc à suivre. L'avocat du MRAP était Maître RAPPAPORT du Barreau de Paris.
L'AFFAIRE DU CERF
Le 19 Mars 1985, le Tribunal de Grande Instance de Marseille (5ème chambre correctionnelle a condamné le nommé Marcel
BIANCONI, prévenu de diffamation raciale, Président de l'Association Comité d'Entente pour le Réveil Français (CERF)
Les poursuites visaient la diffusion d'un tract à MANOSQUE, en 1983 indiquant notamment "qu'il faut stopper d'urgence l'envahissement
excessif de populations étrangères et immigrées (particulièrement Nord-Africains à haut taux de natalité qui nous submergent)... Il faut
lutter contre l'immigration massive de races dont l'assimilation est pratiquement impossible, tels les Musulmans... La liberté des Français
dans un pays submergé par les étrangers et les immigrés de toutes races et de toutes couleurs n'est plus assurée...
Le Parquet avait engagé des poursuites.
Le MRAP était partie civile.
Apres avoir soulevé des points de nullité, BIANCONI ne s'est pas présenté lors de l'audience pour s'expliquer. L'un des membres de son
Comité ayant admis que le CERF de Marseille état bien le rédacteur de l'écrit incriminé, le Tribunal a prononcé la condamnation.
Motif: "Ces propos tendent à démontrer que les étrangers constituent une menace grave pour la population française et que des mesures
de sauvegarde sont devenues d'une nécessité vitale. Ils constituent par là le délit de provocation à la discrimination, à la haine ou à la
violence."
Jugement : sur l'action publique amende de 5000 francs, dont 4000 avec sursis ; dépens liquidés à la somme de 469,894 francs;
sur l'action civile : 1001 francs à payer au MRAP, plus insertion dans les trois quotidiens "La Marseillaise" "Le Provençal", Le Méridional
"à raison de 300O Fr. au maximum pour chaque insertion; et aux dépens de l'action civile.
Marcel BIANCONI a interjeté appel, Affaire à suivre par conséquent.
L'avocat du MRAP était Me Dany COHEN du Barreau de Marseille.
D'AUTRES AFFAIRES
Les procès intentés en Justice par le Comité du MRAP de Marseille ont abouti à d'autres succès au cours des deux dernières années
(parfois en liaison avec la section de Marseille de la LICRA). Mais en quelques circonstances les coupables n'ont pu être identifiés.