50ième anniversaire du MRAP
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Nous reproduisons ci-dessous l'excellent article paru dans Différences sous le titre
"Espérons que demain…", extrait de l'excellent ouvrage paru à l'occasion du 50ième anniversaire du MRAP. Nous nous permettons cet emprunt à notre mensuel national parce que Caroline Andréani est l'auteur du plus grand nombre d'articles qui se trouvent publiés dans ce livre. Nous tenons des exemplaires à la disposition de nos adhérents au tarif de souscription de 120 F
Espérons que demain…
Au moment où je commençais à travailler sur les archives du MRAP en 1996, —
avant que ne débute le procès de Maurice Papon pour "complicité de crime contre l'humanité"—, j'ai été effarée de découvrir la scandaleuse impunité dont avaient bénéficié les collaborateurs parmi les plus importants du régime de Vichy, tels que Charles Maurras, Xavier Vallat, Céline, et consorts. Pour la génération d'élèves et d'étudiants à laquelle j'appartiens, la deuxième guerre mondiale se résume à l'affrontement entre deux forces opposées, le nazisme et la résistance, la déportation, et la Libération. Nous ne sommes pas ignares, nous avons juste oublié de nous poser une question : comment se reconstruit une société bouleversée par cinq ans de guerre, d'arrestations, de dénonciations, de crimes, de déportations ? Et nos programmes d'histoire sont étrangement muets sur la période.
Panser les plaies
Dans le contexte de l'après-guerre, de la guerre froide qui débutait, la société
française a pansé ses plaies à l'aide de quelques procès et d'une volonté d'oubli qui confinait à l'amnésie. Elle avait d'autres chats à fouetter : il fallait manger, reconstruire et … repartir en guerre. Contre l'Indochine, d'abord, et se velléités d'indépendance, contre Madagascar et ses paysans qui avaient le goût de se plaindre du travail forcé, contre l'Algérie, ces trois départements français qui, décidément, ne voulaient pas le rester. La Méditerranée traversait alors la France comme la Seine traversait Paris…
Et le MRAP dans tout cela ? Le MRAP se créait à l'initiative, justement, de ceux
qui ne digéraient pas l'amnistie un peu rapide des collaborateurs ou les nouvelles guerres que nous allions mener, au nom d'une idéologie rétrograde qui prétendait défendre le rôle civilisateur de la France. Le MRAP, qui était sans doute la seule association à se préoccuper du sort de ces milliers d'Algériens, échoués en France dans les années cinquante parce que le France civilisatrice, qui avait si bien su s'occuper de leur sort en Algérie, avait besoin de leur sueur et de leur sang.
Le même qui les regardait survivre malgré les traitements inhumains dans les
usines où ils travaillent douze heures par jour dans les métiers les plus dangereux, celle qui les faisait dormir dans des caves à même le sol, sans aération, sans chauffage, sans eau et sans électricité ou qui les parquait dans des bidonvilles. La même encore qui les insultait et les accusait de toutes les turpitudes, qui les surveillait, les humiliait, les arrêtait, les bastonnait, et parfois les assassinait. Eux et leurs enfants, et après eux, les immigrations qui suivront.
Celle qui aujourd'hui refuse de les voir, ces milliers d'hommes et de femmes dont le
sort est suspendu à un contrôle de papiers, et quelques fois même à un simple contrôle de ticket de transport. Un tel exposé peut laisser songeur. Ne sombrons- nous pas en pleine paranoïa ? Malheureusement, les revendications de ceux que l'on a appelé les "Beurs" au début des années 80 sont toujours d'actualité. Les crimes racistes sont moins nombreux, les "bavures" enfin sanctionnées. Mais sur le fond, rien n'a changé. Les jeunes d'aujourd'hui ont moins de perspectives encore que dans les années 80. La ségrégation sociale reste la question centrale.
La résistance des militants
Mais il ne faut pas oublier la résistance de centaines et de centaines de militants du
MRAP qui se sont battus depuis cinquante ans pour des causes que d'autres croyaient perdues. L'apartheid?
Cet odieux système inspiré du nazisme est enfin tombé ! La question palestinienne
? Envers et contre tous, les analyses etles prises de position du MRAP ont été les bonnes. Les annonces discriminatoires exprimées dans les journaux ? La loi 1972, prise à l'initiative du MRAP, renforcée par la loi Gayssot, permet de les juger. Les crimes racistes ? Avec d'autres associations, le MRAP a réussi à les faire condamner. Maurice Papon, octobre 1961 ? La relaxe de Jean-Luc Einaudi est une victoire. Ces cinquante ans sont émaillés d'avancées et de réussites.
Espérons que le prochain demi siècle, malgré ce nouveau totalitarisme qu'est
l'hégémonie américaine, verra naître de nouvelles et fortes avancées. Espérons que le MRAP saura élaborer autant d'analyses et développer autant de lucidité et de courage qu'il a pu le faire par le passé.
Caroline Andréani
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