Interview de Mouloud Aounit
Secrétaire Général du MRAP

Propos relevés par Nadjib Touaïbia, pour le quotidien "La Marseillaise" en mai 1999.

- Où en est le MRAP dans son combat ?
Rappelons d'abord que cette année est particulière. Le MRAP fête son cinquantième
anniversaire. A cette étape nous exprimons des regrets et des espoirs. Des regrets car
notre combat est inachevé.
La logique de justification ethnique continue à faire des ravages. Les formations
politiques d'extrême-droite dont nous avons combattu l'idéologie existent toujours. […]

- N'avez-vous pas le sentiment que les politiques sont un peu à la traîne ?
L'antiracisme n'est pas la chasse gardée de certaines organisations associatives. Il
s'agit d'un défit de civilisation. Il ne peut être que collectif. Il est indissociable des
autres combats contre l'exclusion de façon générale. Seulement, force est de constater
que tout le monde n'avance pas au même rythme. Et dans cet élan, il faut bien
reconnaître que le mouvement associatif est un peu à l'avant-garde. […]

- A quoi pensez-vous ?
Je pense notamment au cas des sans papiers. Il y a quelques années, lorsque nous
évoquions le problème de ceux que l'on appelait alors les " clandestins ", on passait
pour des farfelus dans beaucoup de milieux. […] Aujourd'hui nous saluons la
régularisation de 80 000 sans papiers.
Mais il faut avouer qu'elle reste une décision bancale. Constater et reconnaître qu'elle
laisse beaucoup de personnes dans la peur, dans la précarité aussi. Autant d'individus
qui ont, faut-il le rappeler, fait confiance à la Gauche plurielle.
La question du vote des immigrés est l'autre thème qui nous mobilise. Là également,
impossible de ne pas faire le constat que certains s'en servent comme d'un message,
d'un slogan.

- Justement, cette revendication est-elle actuellement recevable dans l'opinion, où en
est-on ?
Nous ne pouvons entrer dans cette logique de la recevabilité dans l'opinion. Nous
abordons la question sous l'angle de la justice et du droit d'individus qui vivent
ensemble sur le même sol depuis de longues années. Nous l'appréhendons sous l'angle
d'un certain nombre d'enjeux de lutte contre les discriminations et de défense de la
démocratie.
[…] Il est […] navrant de voir que la préférence nationale est aujourd'hui une pratique
courante. Qu'elle dépasse largement le cadre des villes FN. De voir également que le
DPS, la police privée du FN, n'est toujours pas dissoute.
Il faut donc absolument des réponses plus courageuses. Car la lutte antiraciste ne peut
être détachée de la lutte pour l'accès à la citoyenneté et au droit.

Cousteau :
le MRAP demande le retrait de sa légion d'honneur
[Communiqué du MRAP national] C'est avec stupeur que le MRAP vient de prendre
connaissance de la nature antisémite du Commandant Cousteau, révélée par une interview de
Bernard Violet publiée ce jour par le quotidien France Soir. "..à la porte tous les ignobles youtres
qui nous entourent " écrit Cousteau.
Pour le MRAP, de tels propos déshonorent un homme qui était jusque là considéré comme un
monument national grâce à ses films et à son en action en faveur de la défense de la nature. En
réalité, derrière cette image généreuse, le Commandant Cousteau cachait des convictions
profondément racistes. Celles-ci se sont révélées non seulement à l'égard des juifs, dans cette
lettre honteuse de 1941, mais aussi, bien des années après, à l'encontre des musulmans censés,
selon lui envahir la France". Le Commandant Cousteau a été décoré de la Légion d'Honneur.
Devant la gravité des faits aujourd'hui révélés qui sont une trahison des idéaux humanistes ,
estimant que ceux-ci entachent une distinction qui honore les défenseurs des valeurs de la
République, le MRAP demande que cette décoration lui soit purement et simplement retirée